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Ferdinand VAN KESSEL (1648-1696) cercle de, école flamande du XVIIes
Morale de la Fable du Singe et du chat
Huile sur panneau de chêneA vue : 24,5cm x 19cm / Encadrée : 39 x 33,6cm
En rapport avec une fable de La Fontaine ; ancienne collection d’une importante propriété du XVIIe
Agréable cadre de style flamand
Descriptif
Piquante école flamande du XVIIes par un peintre dans le cercle de Ferdinand Van Kessel connu pour ses tableaux mettant souvent en scène des singes et parfois aussi en présence de chats.
Ces représentations possédaient encore au XVIIe une lecture allégorique et religieuse, le singe incarnant une humanité dégradée et déchue, une condition humaine abimée par la bestialité et la bêtise ; tandis que le chat était encore associé à Satan et aux pratiques de sorcellerie, loin donc du contenu sémantique et affectif que nous projetons aujourd’hui sur ces deux animaux.
On ne s’étonnera pas de la représentation a priori peu aimable (particulièrement le chat, cuissu et grimaçant) de ces deux animaux chargés de connotations négatives, et pourtant non dénués d’une certaine malice de la part de l’artiste.
La morale se veut également plus sévère que les représentations très dix-huitièmistes, remplis de singes travestis dans de somptueux costumes du temps, de David Téniers.
Notre œuvre, huile sur panneau, illustre à merveille une fable de Jean de La Fontaine déjà connue dans l’Europe entière, « Le Singe et le Chat » ; permettant une datation de l’oeuvre dans une période probablement concomitante à la parution des Fables, en 1668.
Dans cette fable, La Fontaine campe deux « animaux malfaisants », un singe et un chat compères en petits brigandages, qui pris de convoitise, subtilisent des marrons brûlant dans le feu de l’âtre de leur maître, et finissent surpris par la servante.
Bertrand avec Raton, l'un Singe et l'autre Chat,
Commensaux d'un logis, avaient un commun Maître.
D'animaux malfaisants c'était un très bon plat ;
Ils n'y craignaient tous deux aucun, quel qu'il pût être.
Trouvait-on quelque chose au logis de gâté,
L'on ne s'en prenait point aux gens du voisinage.
Bertrand dérobait tout ; Raton de son côté
Etait moins attentif aux souris qu'au fromage.
Un jour au coin du feu nos deux maîtres fripons
Regardaient rôtir des marrons.
Les escroquer était une très bonne affaire :
Nos galands y voyaient double profit à faire,
Leur bien premièrement, et puis le mal d'autrui.
Bertrand dit à Raton : Frère, il faut aujourd'hui
Que tu fasses un coup de maître.
Tire-moi ces marrons. Si Dieu m'avait fait naître
Propre à tirer marrons du feu,
Certes marrons verraient beau jeu.
Aussitôt fait que dit : Raton avec sa patte,
D'une manière délicate,
Ecarte un peu la cendre, et retire les doigts,
Puis les reporte à plusieurs fois ;
Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque.
Et cependant Bertrand les croque.
Une servante vient : adieu mes gens. Raton
N'était pas content, ce dit-on.
Aussi ne le sont pas la plupart de ces Princes
Qui, flattés d'un pareil emploi,
Vont s'échauder en des Provinces
Pour le profit de quelque Roi. »
La Fontaine illustrait par là-même une expression datant de 1640, « tirer les marrons du feu avec la patte du chat », abrégée aujourd’hui en « tirer les marrons du feu ».
Une expression qui contient à la fois la notion de risque et de profit mal acquis en commettant un larcin.
Outre le propos de l’œuvre et son contexte de production historique particulièrement signifiants, l’artiste possédait une très bonne main, un véritable talent pour le clair-obscur et un sens pour la composition, resserrée et pourtant vive, haletante, pleine de suspense. A un point tel que le singe qui tient le chat dans ses pattes semble vouloir le jeter dans les flammes pour mieux créer diversion sur le larcin commis. Le peintre moraliste nous met ainsi en garde, un vol peut être le prélude à un crime plus grand.
Les deux animaux complices sont surpris sur le fait par la servante qui reste ici hors-scène, non-représentée, remplacée de fait par le regard du spectateur tenu de procéder lui-même à l’arrestation des deux coupables. Cet artiste du XVIIe a déjà su créer une œuvre pleinement participative et inclusive.
Le sujet et la manière évoque immédiatement Ferdinand Van Kessel, artiste très coté familier de ces représentations mais appelle également une autre attribution possible au père cette fois, bien que moins évidente de prime abord en raison du sujet traité -artiste plus connu pour ses représentations botaniques et ornithologiques- et pourtant étayée et sourcée par une documentation précise, Répertoire des tableaux vendus au XIXe, volume 1 et 2, publié par Burton B. Fredericksen, Benjamin Peronnet.
En page 569 du T1, nous trouvons en effet la trace de tableaux de Jan Kessel Le Vieux (1626-1679), père de Ferdinand Van Kessel (peintre encore plus coté et petit-fils de Jan Bruegel de Velours) ; il s’agit de deux petits tableaux de sa main représentant des fables de La Fontaine, en l’occurrence des cuivres de 5 pouces sur 7 achetés par « Lebrun » et ensuite vendus à Cailard illustrant « Le Bœuf et la Grenouille » et « Le rat et l’huître ».
Jan Kessel Le Vieux aurait-il pu réaliser également un tableau illustrant cette fois Le Singe et le chat ?
Que cette œuvre, qui appartint à la collection d’une riche demeure du XVIIe siècle possédant un corpus particulièrement important d’œuvres et de mobilier d’époque XVIIe, soit attribuable au père (Jan Van Kessel l’ancien) ou au fils (Ferdinand Van Kessel) ou à leur proche entourage ; réalisée dans la seconde moitié du XVIIes, celle-ci possède un grand nombre de sèmes communs au corpus de cette illustre famille et constitue la morale picturale d’une fable de La Fontaine. La concision même de sa composition théâtralement rehaussée par un clair-obscur maîtrisé en augmente son effet.
Aussi interpellante qu’enlevée, son intérêt historique, artistique, culturel et patrimonial est indéniable.
Belle condition.