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École française du XVIIIème, Vanité
Vanitas Sapientis
Sanguine et pierre noireA vue : 15 x 11,5 cm - Avec le cadre : 39,5 x 34,5 cm
Mention au dos « A. Coypel » pour Antoine Coypel
Descriptif
Rare dessin ancien répondant au genre de la nature morte, et plus spécifiquement à celui de la Vanité, brillamment exécuté à la sanguine.
Sa rareté est mise en relief par le cumul de deux occurrences. La faible production, voire disparition du genre de la Vanité au XVIIIe siècle ; et enfin, l’importance de l’attribution qui lui fut d’abord délivrée. Une ancienne trace d’attribution à Antoine Coypel figure au dos du dessin – il s’agit de l’un des plus brillants artistes du siècle des Lumières. Directeur de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture sous Louis XIV, nous lui devons notamment le plafond de la Chapelle de Versailles.
Le genre de la vanité, bien qu’apparu antérieurement, a connu son climax, son apogée artistique au XVIIe siècle, et tout particulièrement à l’âge baroque.
Genre très codifié mais dont l’interprétation allégorique se démêle généralement aisément, il a inspiré les plus grands maîtres du Caravage à Cézanne, et plus récemment, Damien Hirst.
Ici, c’est la vanité du savoir qui est mise en exergue. Le crâne humain, topos incontournable de ce genre pictural, est posé en partie édenté sur un livre (religieux, philosophique ?) à cinq nerfs. La place et le sens que l’on apporte à l’acquisition du savoir sont ainsi interrogés.
Autre particularité découlant de sa datation. Il s’agit d’une sanguine rehaussée à la pierre noire. Cette technique de la sanguine déjà employée à la Renaissance a cependant triomphé au XVIIIe siècle ; elle s’est le plus souvent appliquée à la représentation de nus académiques en raison de sa capacité à rendre avec vivacité les volumes et le modelé d’un sujet mais a été tout autant employée dans des planches très représentatives du XVIIIe, peuplées de putti et de figures galantes.
Le dessin, et, encore plus spécifiquement la sanguine, ne sont pas les médiums les plus exploités par le genre des Vanités.
Cette vanité que nous vous présentons ici est d’une exécution parfaite. Les proportions sont harmonieuses, les ombres délicates et l’entablement sur lequel repose le livre soutenant le crâne dessinés à la pierre noire ; tandis que le crâne, jadis siège de la réflexion et conscience d’un homme, semble reprendre vie sous le tracé ferrique de la sanguine.
Autre paradoxe. A rebours du libertinage des corps du XVIIIe, l’artiste semble avoir voulu renouer avec un certain jansénisme du siècle passé pour s’astreindre à un exercice spartiate et resserré. Afin de conforter cette austérité choisie, pascalienne, il recourt à la technique du dessin lorsque c’est l’huile qui le plus souvent prévaut dans ce genre sans renoncer à la sanguine si caractéristique de son siècle. La mise en scène est alors réduite à son expression la plus nécessaire. Aucun décorum ne vient distraire du propos moraliste sous-tendant ce genre (memento mori) comme de l’exécution parfaitement maîtrisée.
Le choix subtil d’un papier beige ivoiré (à noter sur celui-ci quelques traces de rousseurs dues au temps) dispense en creux au dessin la lumière généralement accentuée par des rehauts à la craie blanche.
Le spectaculaire naît dans ce dessin de la perfection de son ascétisme, de sa capacité à occuper la scène par le biais de deux objets inanimés tenus par le seul choix d’une technique académique et par la qualité éblouissante de sa réalisation artistique.
Dessin remarquablement mis en perspective par une marie-louise rouge-brun à bordure dorée dans un très beau cadre ancien en bois sculpté postérieur à l’œuvre (XIXe). Dessin encadré sous verre.
Le musée Maillol a consacré une exposition thématique au printemps 2010 « C’est la vie ! Vanités – de Caravage à Damien Hirst » - à ce genre implacable, souvent spectaculaire, rarement aussi recentré, se prêtant si bien à la transversalité et dialogue des cultures.